Centrafrique : Troquer une forêt contre la protection de Wagner

Centrafrique : Troquer une forêt contre la protection de Wagner

Afrique Politique

C’est une enquête qui met à nu tout un réseau. Les mercenaires de Wagner semblent être en terrain conquis. Les Russes sont accusés d’échanger les éléments paramilitaires contre l’exploitation de ressources.

Fin 2019, la République Centrafricaine (RCA) révoque le permis d’exploitation d’une parcelle de 187’000 hectares de forêt.  La parcelle est ensuite confiée à Bois Rouge. Or, derrière la société se cache en réalité un ensemble de personnes et de structures proches de la galaxie Wagner.

Après des mines, le contrôle partiel des douanes et d’autres missions, le groupe de mercenaires se retrouve pour la première fois en mesure de contrôler une grande parcelle de forêt. C’est ce que révèle l’enquête de l’European Investigative Collaborations (EIC) dont la RTS est membre. Enquête réalisée en partenariat avec OpenFacto, une association spécialisée en sources ouvertes.

Des avantages juteux

Apparemment, l’entreprise fait comme bon lui semble sans respect pour la législation. Les autorités centrafricaines, dépendantes de Wagner pour assurer leur sécurité, ont bradé une partie de leurs ressources naturelles en autorisant désormais Bois Rouge à exploiter la forêt de manière intensive, quasiment sans payer d’impôts, et parfois au mépris de la loi. Malgré ce traitement de faveur, Bois Rouge n’a pas respecté tous ses engagements vis-à-vis de l’État centrafricain.

Bois Rouge se présente comme une société 100% centrafricaine. Mais sur le terrain, toutes les indices renvoient plutôt à la Russie.

Le convention d’exploitation donne la largesse à l’entreprise d’abattre des arbres à tout moment, même en temps de pluie ou venteux. Ce qu’aucune autre entreprise ne peut faire. Bois Rouge a aussi d’importants avantages fiscaux et douaniers.

Carte de la concession attribuée à Bois Rouge. [EIC/OpenFacto]

Bois Rouge n’a pas payé et l’État ne lui a pas retiré son permis. Une lettre signée du ministre des Finances et du Budget de RCA, Henri-Marie Dondra, datée du 23 avril 2021, indique que Bois Rouge bénéficie de droits de douanes réduits à 5% pendant 5 ans sur ses importations, d’une exonération de l’impôt sur les sociétés pendant cinq ans (puis réduit à 25% pendant une année supplémentaire), d’une TVA sur les importations « neutralisée » par une procédure de « paiement différé », d’une exonération de taxe foncière pendant huit ans sur tous les immeubles bâtis neufs, ainsi que d’une contribution au développement social réduite de 25% et d’une exemption du paiement de la patente pendant cinq ans.

La société a débuté son exploitation en juillet 2021 sans réaliser de plan d’aménagement d’exploitation, ni d’étude d’impact environnemental, qui sont pourtant deux obligations légales.

Ce n’est pas tout. Bois Rouge aurait dû payer, en échange de la concession, trois années de loyer. Cette obligation figure noir sur blanc dans le décret signé par le Premier ministre centrafricain le 9 février 2021. La société avait quinze jours pour le faire, et « tout manquement ou retard entraînera l’annulation d’office du permis », précise le document. En avril, aucun paiement n’a été fait. Et pourtant…

Bois Rouge est accusé d’employer 2 personnes au lieu de 5 ou 6 pour l’abattage des arbres. Elle couperait 15 à 20 arbres par jour au lieu de 7 et fait travailler les ouvriers jusqu’à 15h ou 16h au lieu de 11 h.

Cette enquête dévoile une autre face de la coopération russo-centrafricaine tant vantée.

Cliquez ici pour découvrir l’intégralité de l’enquête sur Mediapart

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