Les avocats de l’ancien chef militaire guinéen, Moussa Dadis Camara, ont annoncé jeudi qu’il ferait appel de sa condamnation pour crimes contre l’humanité.
Il a été condamné à 20 ans de prison pour des accusations découlant du massacre de plus de 150 personnes en 2009 lors d’un rassemblement pro-démocratie dans la capitale Conakry.
« Le collectif rejette en bloc cette décision et, pour marquer son désaccord, entend, en accord avec le président Moussa Dadis Camara, relever appel de ce jugement inique pour qu’il soit censuré par la juridiction d’appel », a déclaré dans un communiqué le collectif de ses avocats.
« Pendant près de deux années de procès devant ce tribunal, le président Moussa Dadis Camara n’a jamais été entendu ou mis en demeure de s’expliquer sur les éléments constitutifs du crime contre l’humanité », a-t-il ajouté. Il pourrait saisir la Cour de justice de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao).
La défense d’Aboubacar Sidiki Diakité, alias « Toumba », ancien chef de l’unité de protection de Dadis Camara condamné à 10 ans de prison, prévoit aussi de « relever appel », selon son avocat Lanciné Sylla.
L’affaire du massacre du 28 septembre 2009
Le 28 septembre 2009, un rassemblement de l’opposition est organisée au stade de Conakry, où se rendent 50 000 personnes.
Des manifestants protestaient contre la candidature de Camara à l’élection présidentielle lorsque des membres des forces de sécurité guinéennes ont ouvert le feu. En fin d’après-midi, au moins 150 Guinéens ont été retrouvés sans vie ou agonisants à l’intérieur et autour du complexe sportif, et les forces de sécurité avaient violé des dizaines de femmes et de jeunes filles.
Cet extrait d’un rapport de Human Rights Watch en dit long sur ce qui s’est passé :
« (…) les soldats se sont ensuite rendus dans les quartiers où résidaient la majorité des sympathisants de l’opposition et ont commis d’autres abus : meurtres, viols et pillages. Plusieurs dizaines d’autres opposants ont été détenus de façon totalement arbitraire dans des camps de l’armée et de la police, où plusieurs d’entre eux ont subi de graves sévices, y compris des tortures. Suite aux violences perpétrées au stade, les forces de sécurité ont mené une opération de dissimulation organisée pour cacher le nombre de morts, consistant à enlever des dizaines de corps du stade et des morgues des hôpitaux pour les enterrer dans des fosses communes. L’enquête menée par Human Rights Watch en octobre 2009 a révélé que la plupart des meurtres, des agressions sexuelles et autres abus ont été commis par des membres de la Garde présidentielle, en particulier par des membres de l’unité d’élite directement chargée au moment des faits de la sécurité personnelle du capitaine Moussa Dadis Camara, le dirigeant guinéen arrivé à la tête du pays par un coup d’État en décembre 2008. Parmi les autres auteurs de graves abus se trouvaient des gendarmes, des policiers et des hommes en civil armés de machettes et de couteaux »
Brocuhre de Human Rights Watch sur le massacre du 28 septembre 2009
Précisons que M. Camara a fui le pays après avoir survécu à une tentative d’assassinat peu de temps après le massacre, mais est revenu d’exil en septembre 2022 pour faire face à la justice, insistant sur son innocence.
Alors qu’il était en prison à la fin de l’année dernière, Camara a été libéré par des hommes armés qui ont pris d’assaut la principale prison du pays, mais il a été remis en détention quelques heures plus tard, son avocat ayant déclaré qu’il avait été kidnappé.
Plus de 100 survivants et proches de victimes ont témoigné lors du procès historique qui a débuté en novembre 2022.
Juste avant le prononcé de la peine, le tribunal a déclaré que les accusations, qui comprenaient meurtre, viol, torture et enlèvement, avaient été reclassées en crimes contre l’humanité.
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