Candide Azannaï : « Il n’y a jamais eu d’amazones au Dahomey”

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Candide Azannaï n’est pas fier de la statue censée représenter une Amazone du Bénin. Les Amazones ne sont pas liées à l’histoire du Bénin. Car le mot amazone vient de la culture grecque et ne véhicule rien de bon pour la femme. Elle la dévalorise selon lui. Le président du parti Restaurer l’Espoir en a fait la démonstration à travers une interview en trois volets qu’il a accordée à nos confrères de la Dépêche-Afric Info. Nous vous proposons un extrait de la partie de cet entretien.

La Dépêche-Afric Info: Monsieur Candide Azannaï nous allons aborder un sujet qui suscite beaucoup d’intérêts et qui défraye la chronique. Il s’agit de l’érection de cette statue qui vient d’être dévoilée à Cotonou, en bordure de mer et qui renverrait à un pan de notre histoire. Il s’agit, vous en doutez, de la statue de l’Amazone. Ça fait couler beaucoup d’encres et de salives, vous êtes d’une région où vous vous définissez souvent comme un prince si je ne m’en abuse. Même si cette histoire vous concerne, culturellement parlant, elle concerne tout le Bénin. Que pensez-vous de cette statue ? Qu’est-ce que cela évoque en vous ?

Candide Azannaï : C’est dommage une telle statue et une telle explication du Gouvernement à son propos. Une statue dite de représentation de l’ Amazone en l’honneur de la femme béninoise avec une place dite «Esplanade des Amazones » à COTONOU ! Quelle dégradant étalage d’inculture !
C’est une ruine de la grande épopée des femmes guerrières d’un des plus significatifs royaumes de notre espace géographique lors de la Résistance aux armées coloniales surtout française de Dodds et de l’image de la femme béninoise de tous les temps tout court. Plus qu’une frustration, cette initiative du Gouvernement est une décevante inculture.

La Dépêche-Afric Info : Vous êtes frustré qu’on érige une statue des amazones. Cette d’une brave guerrière dont on parle !

Candide Azannaï : C’est une inculture de prétendre qu’une Amazone peut figurer comme référant dans l’art identitaire d’abord du mémorable Royaume du Dan-Xomey ensuite du Dahomey aujourd’hui République du Bénin. Figurer une Amazone et dédier une esplanade aux amazones au Bénin, entendez Dahomey est ridicule, injurieux et dévalorisant. C’est une ignorance vectrice d’aliénation. Vous savez on ne peut pas fonder l’identité visuelle, l’identité communicationnelle d’un peuple sur les mythologies d’un autre peuple. Ça ne se fait nulle part.

La Dépêche-Afric Info: On parle bien des amazones, M. Candide Azannaï…

Candide Azannaï : le nom amazone est une imagination mythologie Grecque pour justifier l’évidence de la toute puissance du patriarcat du primat de l’homme sur la femme. Aucune Amazone n’a existé dans le monde jusqu’à aujourd’hui. C’est de l’imagination mythologique grecque qui n’est pas traduisible, transposable en Afrique .


Le mot amazone peut désigner des femmes guerrières qui vivaient sans hommes et qui n’en admettaient pas parmi elles. Ce mot peut également désigner une femme d’un courage guerrier et qui a des allures, des goûts virils tout comme il peut désigner une femme qui monte à cheval, cavalière, écuyère ou la jupe longue et ample que portent de telles femmes. Ce mot amazone désigne tout aussi une prostituée qui racole en voiture. C’est ce que tout étymologiste sérieux peut retenir comme sémantique à l’évocation de la phonation Amazone.

Je n’invente rien. Je n’ai ni inventé le grec ancien comme moderne et je ne suis pas encyclopédiste en français non plus. Amazone signifie prostituée . Une esplanade des prostituées ! En Afrique ! Et c’est en République du Bénin ! La réalité du mot amazone renvoie donc à une mythologie sans consistance morale et sans contour éthique consensuels. Donc aucun historien pur à moins d’être un falsificateur touristique de l’histoire ne doit méconnaître que le mot amazone est un mot chimérique comme on peut parler d’Hercule, comme on peut parler de Aphrodite, d’ Apollon, d’ Artémis, d’Athéna, d’ Hermès, de Chimère , de Poséidon, de Titan , des Cyclopes et j’en n’oublie chez les grecs…de Dragons chez les asiatiques …


Si nous nous habituons à prendre le mot amazone pour symboliser un référent identitaire, un jour nous risquons de prendre le dragon chinois ou le Sphinx égyptien comme référent identitaire du Bénin. C’est de la triche identitaire, c’est une perdition, une errance identitaire, une aliénation collective.

On ne peut remplacer nos legba, nos Tolègba ni par un sphinx, ni par un dragon. Historiquement cela n’a pas de sens. Culturellement c’est de l’ignorance. “Il n’y a jamais eu d’amazones au Dahomey. Le Dahomey République ou Royaume du DAN – XOMEY n’a jamais produit une seule amazone”.

La Dépêche-Afric Info : Voulez vous insinuer par là que cette statue ne symboliserait pas les amazones du Dahomey ?

Candide Azannaï: Il n’y a jamais eu d’amazones au Dahomey. Le Dahomey République ou Royaume du DAN – XOMEY n’a jamais produit une seule amazone. Retenez plutôt que le Royaume du DAN – XOMEY a produit des femmes guerrières qu’on appelle les Agodjiés qui n’existent nulle part ailleurs au monde. Je voudrais vous renvoyer aux travaux de Yves ANEZO à ce propos. Les amazones sont des imaginations mythologiques aux fins d’arguments didactiques d’illustration, de justification de la supériorité de l’homme et de la veine prétention de la femme à s’occuper de certaines fonctions sociales dites exclusivement masculines surtout la guerre. C’est pour célébrer la masculinité pas pour honorer la féminité qu’il faut saisir l’intérêt de cette invention mythologique chez les grecques.
Et c’est là que ça devient plus que ridicule mais une réelle préoccupation à l’échelle de tout un Gouvernement ! Ce n’est pas concevable ! Il faudra retenir que ces amazones sont « des combattantes redoutables qui furent toutefois défaites par des héros masculins. ( Art et littérature de la mythologie grecque).


Les cas les plus enseignés sont ceux de Thésée qui a tué Antiope, de Hercule qui a tué Hippolithe et de Achille qui a tué Penthésilée… Antiope, Hippolithe, Penthésilée… sont toutes des amazones vaincues, défaites et tuées par les héros mythologiques masculins Thesée, Hercule, Achille… Les intellectuels curieux découvriront la réplique de Platon qui voulait s’en servir pour plaider l’égalité dans l’éducation entre les deux sexes seulement et seulement quand les enfants sont dans leurs jeunes âges. Bref!

La Dépêche-Afric Info: Comment désigner alors ces braves guerrières ?

Candide Azannaï: La documentation sur les femmes guerrières en Afrique remonte aux royaumes koush de la région nubienne. Ces femmes guerrières protectrices et défenseures du royaume formaient de redoutables armées dirigées par les Candaces, titre féminin équivalant à celui de Pharaon. Bien plus tard, il y’a eu un peu partout de célèbres reines et femmes guerrières en Afrique. Des sources factuelles l’attestent et les reines ZINGAH de l’actuel Angola, Aminatou Zazzaou des Haoussa, Moremi Ajasoro d’Ile-Ife du Sud Ouest du Nigeria, Makeda de Saba, Néfertiti d’Egypte ( 18e Dynastie ), Cléopâtre d’Egypte ( née en Égypte mais non égyptienne en 69 av. JC. ), Ranavalona de Madagascar, Nandi de Zulu ( née en 1760 ), Muhumuza du Rwanda ( décédée en 1945 ), Yaa Asantewa d’Ashanti, Kandake impératrice d’Éthiopie en sont les célèbres et réelles représentations … La reine TASSI HANGBE, reine du Dan – Xomey n’a pas moins de mérite.

Selon certaines sources, elle aurait été à l’origine de l’érection sous son règne controversé du régiment d’élite des soldates guerrières de son royaume suite à la vacance du trône sur lequel régnait son frère jumeau AKABA. Alors que je réexaminais mes certitudes sur les AGOODJIE, j’ai été conforté par une pertinente étude titrée : « AGOODJIE, LES FEMMES GUERRIERES DU DAHOMEY. » MUSEE VODOU STRASBOURG publiée le 11/04/2018 par JEAN YVES ANEZO que je recommande et dont les documentations peuvent bien faire autorité.


Les AGOODODJIÉ sont sur le plan spirituel épouses spirituelles de la terre sacrée du Dan – Xomey et femmes du roi. Elles sont gardiennes et remparts protectrices du Dan – Xomey, du trône et du roi. Elle sont issues d’horizons divers et variés et sont soit des filles ou femmes offertes, des volontaires , périodiquement cooptées par tirages au sort, des esclaves. Elles sont toutes par la suite anoblies et sacralisées. Elles s’engagent pour, le célibat et portent des scarifications, voire excision, vivent le casernement, sont des femmes sacrées, pratiques des entraînements rigoureux et spécifiques. Elles portent des habillements, des parures et armements en temps de paix comme en temps de campagnes militaires, bénéficient de récompenses de la Reine ( puis du Roi ) , des règles fixent leurs démobilisations et leurs retraites … Tout est codifié jusqu’au couleurs distinctives de leurs accoutrements selon les circonstances…

Le Ministre ABIMBOLA m’a fait de la peine à l’entendre justifier l’érection de la statue dite Amazone et de la place dite Esplanade des amazones. Une absurdité ! On ne peut pas prendre des propos brouillons de soldats coloniaux incultes, très illettrés et très peu élitistes, de certains négociants esclavagistes, parfois d’espions déguisés en prêtes ou évangélistes coloniaux en tout cas trop peu instruits pour la plupart pour confondre les braves et intraduisibles guerrières du Dan-Xomey aux amazones imaginaires mythologiques par le colportage d’une errance de vocabulaire que l’inculture autour du pouvoir dit de la rupture cherche à nous coller comme référent identitaire des femmes du Bénin.

Ce Gouvernement à propos de cette statue et de l’ensemble du projet touristique circonscrit à cette statue dite l’Amazone et à la place dite Esplanade des amazones qu’il l’abrite est dans le piège d’une errance de vocabulaire vectrice d’une falsification de l’histoire et d’une aliénation identitaire. Donc vous voyez cela pose le problème de l’art identitaire.


Qu’est ce que l’art identitaire ? L’art identitaire est fait sur la base de preuves historiques autour de l’élément historique. Les éléments historiques restituent la mémoire de l’histoire. Les monuments publics sont des prétextes et des fixations mémorielles qui restituent l’histoire.

En quoi cette statue restitue l’histoire des femmes guerrières de Dahomey ? En rien.
Cotonou n’a jamais été la base du régiment d’élite des femmes guerrières du Dan – Xomey et c’est bien un dépouillement historique que de parler de l’Esplanade des Amazones à COTONOU. Cette statue va être rasée.

La Dépêche-Afric Info: Cette statue va être rasée dites-vous? sans blague ?

Candide Azannaï: Tôt ou tard ça va être rasée parce que ça ne nous représente pas. C’est une falsification de l’histoire. C’est une profanation de la mémoire des femmes guerrières du Dan – Xomey, une dévalorisation de leurs statuts et une insulte déshonorante à leurs sacrifices suprêmes . C’est une réduction injurieuse dépravante aux femmes béninoises que l’on tente de représenter par une mythologie confusément polysémique pouvant signifier et désigner également une prostituée.
C’est un nivellement par le vice d’une représentation indigne de la femme béninoise.
Des anecdotes circulent selon lesquelles une princesse d’Abomey de vénérable mémoire aurait recadré, aurait tancé des journalistes qui auraient commis l’erreur de l’appeler Amazone.
Elle aurait dit non, “moi je ne suis pas amazone, je suis princesse. Je ne suis pas amazone, je suis une princesse foutez-moi le camp”. Cette réaction totalement à propos dit long sur le nivellement par l’ignorance que couve la consonance Amazone.


Je vais vous citer un auteur. En effet voilà ce qu’écrivait Jean Yves ANEZO à propos des AGOODODJIÉ, ces exceptionnelles femmes guerrières qui n’existent nulle part ailleurs dans le monde entier: « Elles ne constituaient donc pas une société féminine libre, mais un corps d’armée comme les autres ; créé, organisé, entretenu par la puissante volonté, éminemment virile d’un Roi-dieu, servant uniquement ce dieu vivant et ce qu’il symbolisait, qui leur prenait tout.»


Ce seul point, me suffit à penser que les agoodjié sont loin d’être des amazones telles que la pensée occidentale les a construites, mythifiées, fantasmées au fil des millénaires. De plus, leur réalité récente par rapport à leurs homologues supposées de l’antiquité, doit les éloigner du mythe et du fantasme ; et, par cela sans doute, protéger leur histoire et donc leur mémoire en ne se rapportant qu’aux faits…

S’agissant des amazones de la mythologie grecque par contre, poursuit ANEZO : « Il suffit d’en regarder les représentations. Elle est rebelle, sanguinaire et vindicative, mais n’exprime-t-elle pas les caractéristiques d’une femme prête à tout, libre de son corps et de sa vie ? Ces amazones imaginaires – Faut-il le rappeler ? – ne correspondent pas à la réalité des agoodjié… ANEZO dira et je l’appuie avec raison : «C’est pourquoi, vous ne m’entendrez pas les appeler « amazones », mais « femmes guerrières » ou «agoodjié». (…)

L’art identitaire est un art patriotique et non un art mondain de souillure de l’esprit de la Nation au sens hégélien. Non, les femmes guerrières du Dan-Xomey ne sont pas des Amazones. La femme béninoise ne s’identifie pas à l’Amazone. S’agissant de la calamité intellectuelle et mémorielle qui consiste à façonner avec un visage naïve et insolent, comme une jeune fille dévergondée et impolie qui ne respecte personnes une statue pour dévaloriser, insulter et pervertir la représentativité de la femme béninoise et celles de nos intrépides guerrières de vénérables mémoires, je ne veux pas que nos filles ressemblent à cette statue intrusive.

Il ne suffira jamais de parer de gadgets de guerres inappropriés des moules de métaux aux formes loin de restituer nos personnages historiques pour simuler et nous faire croire à nos femmes guerrières, les MINONS, nos intraduisibles et inégalables AGOODODJIÉ du Dan – Xomey.

Je dis, aucune amazone n’a existé au Bénin. Ce terme Amazone, à l’origine de son imagination mythologique par le patriarcat grec est une négation des valeurs féminines et plus tard, elle signifie une prostituée qui racole en voiture (Conf. Le Robert, Dictionnaire Culturel en langue française sous la direction d’Alain Rey, Paris, 2005 ).
Allez un peu vous renseignez culturellement avant de chercher à décider dans les matières identitaires qui engagent toute la Nation. Les gens sont libres de se faire appeler amazone des temps anciens ou modernes et autres surnoms ou sobriquets (…)


Un jour notre Peuple éclairé et décillé rasera cette statue et tous autres monuments et places de fraudes intellectuelles et mémorielles poussant à l’aliénation identitaire à cause seulement en réalité d’hypothétiques dividendes escomptés de malsains projets d’arnaques touristiques inavoués.
J’ai horreur qu’on veuille représenter la femme du Bénin par le mot mythologique grecque Amazone qui signifie entre autres infamies, négations , prostituée.


Nous devons continuer de croire à notre Peuple qui, avec certitude, relèvera tous les défis sur son chemin.

Je vous remercie en vous marquant ma disponibilité au service de l’intérêt général. Merci.


Source de l’interview : Crystal-news

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